Jacinthe SCHWENDIMANN (Directrice du site Moreno-Consulting à Metz) à  et Hugo GALLI (Directeur du site Moreno-Consulting à Reims), nos consultants experts en situation de RPS ont été interviewés dans une grande revue spécialisée en Ressources Humaines, sur la synergie entre recrutement et prévention de situation de RPS.

 

Interview

 

C’est surprenant de juxtaposer ces deux sujets ?

 

Effectivement, au premier abord ce sont deux sujets RH distincts, avec des temporalités différentes (un problème de santé au travail survient après l’arrivée dans l’entreprise et donc le recrutement), nécessitant des compétences différentes, correspondants à des cadres légaux distincts, etc. et pourtant un lien important existe.

 

Lorsque nous avons traité des situations de mal-être professionnel, dans certains cas, nous nous sommes aperçus que certains points avaient été peu évalués en amont au moment du recrutement. Or quand on connaît les conséquences de ces situations de souffrance au travail, il est utile de s’interroger sur une prévention plus systémique, que les seules actions de prévention RPS. Et quand on remonte la chaine jusqu’au processus de recrutement en lui-même, on peut isoler des facteurs qui peuvent être régulés.

 

Et quand vous parlez de recrutement, vous voulez dire que c’est la qualité du profil qui serait décisive ?

 

C’est vrai que spontanément, on imagine qu’un profil résistant au stress, suffisamment formé et expérimenté dans son métier, avec des soft skills adaptés, sera une personne qui pourra relever tous les challenges avec efficacité et résultats à la clé. Pourtant, c’est un peu facile de ne considérer que les caractéristiques du profil recruté comme unique levier pour anticiper les risques.

 

De toute façon, il n’existe pas de bon profil dans l’absolu, il y a des profils qui peuvent s’adapter à un environnement donné, et d’autres moins. L’excellence académique n’est pas toujours facteur de réussite professionnelle sur une fonction, comme l’exigence managériale liée à un caractère un peu autoritaire, n’est pas systématiquement vécue négativement.

 

Quels sont les éléments à prendre en compte ? le caractère du manager comme vous l’évoquiez ?

 

Oui, mais parmi de nombreux autres facteurs. C’est une vision large de l’environnement du poste qu’il convient d’évaluer.

 

On néglige de plus en plus l’essence du poste et de la mission. Effectivement, nous sommes tous confrontés à la concentration des effectifs, à des postes qui deviennent plus que polyvalents dans des contextes où les charges sont à maitriser. Il faut être directeur de site, en charge de la production et de la maintenance, ou DRH siégeant au comité de direction, avoir une vision stratégique tout en gérant les réponses des candidats aux différents recrutements. En fait, parfois, les tâches et missions d’un poste se révèlent en elles-mêmes prédictives d’un risque RPS accru, presque « pathogènes » (au sens propre : qui peut causer une maladie).

 

Au-delà du poste et de la mission, il faut considérer la culture de l’entreprise, son histoire, les antécédents de recrutement, la dynamique humaine dans les équipes, le projet d’entreprise, les attentes des managers, etc. Au fur et à mesure des années, plus l’environnement a d’importance dans la pérennité des collaborations et le « bien-vivre » son travail.

 

Bien analyser en amont est prédictif. Effectivement, quand on étudie certaines configurations professionnelles, même si le mouton à sept pattes existait, il n’est pas écrit qu’il ait même « la faculté humaine » de pouvoir y faire face positivement et durablement.

 

 

Quelles sont les conséquences d’une situation qui se dégrade ?

 

Les conséquences peuvent être variées. Dans le meilleur des cas, si l’on peut s’exprimer comme cela, la situation se règle rapidement par la rupture de la période d’essai, et la principale conséquence, peut-être l’insatisfaction des deux parties et le coût d’une opération de recrutement loupée. Selon l’étude Syntec de 2012, un contrat de travail interrompu pendant la période d’essai représente pour l’entreprise un coût pouvant aller jusqu’à deux années de salaire.

 

Dans d’autres situations amenées à durer, les conséquences peuvent-être très importantes.

 

Avez-vous des exemples ?

 

Nous travaillons sur des situations de travail dégradées en combinant notre expertise avec des spécialistes en droit social du cabinet d’avocats d’affaires Fidal. Récemment, nous avons collaboré en conseil à l’employeur. Il s’agissait d’une PME industrielle, où le chef de service maintenance en mal-être reprochait à son employeur l’extrême polyvalence de son poste et l’absence de ressources suffisantes pour faire face à la charge de travail et aux objectifs fixés.

 

Son état se dégradant, il a souffert d’un syndrome dépressif professionnel, et le médecin du travail a prononcé l’inaptitude. Le salarié a obtenu la qualification de maladie professionnelle et a été licencié. Il a attaqué son employeur et celui-ci, n’ayant pas pu faire la preuve des moyens renforcés engagés pour prévenir cette situation de RPS, la faute inexcusable de l’employeur a été prononcée et la facture finale de l’entreprise s’est élevée à environ 329 000 euros. C’est un cas extrême certes, il n’en reste pas moins que les risques humains, juridiques et financiers sont réels.

 

Quel rapport établissez-vous avec le recrutement ?

 

Et bien dans cette situation, après analyse plus fine, on s’est aperçu que la définition de poste donnée au départ au candidat et qui a servi de base comme « contrat moral » s’est révélée très différente dans les premières semaines. Le directeur de site et le directeur de production avait une vision très différente du poste et au fil des jours, les missions se sont accumulées.

 

En menant un processus de recrutement plus structuré, la situation aurait pu être se réguler différemment. Or lorsque la gravité s’est exprimée dans ce cas à l’employeur, il était quelque part trop tard pour retrouver des conditions de travail normales.

 

Il est donc possible par le recrutement de prévenir les RPS, en tout cas certaines situations de risques.

 

Quels sont donc les points sensibles à identifier dans son processus de recrutement ?

 

Prendre le temps de mener un processus structuré et de résister à la précipitation.

 

Même si le besoin de recrutement est pressant, qu’on a peu de temps, si quatre managers sont partis en l’espace de deux ans, il faut s’arrêter de recruter de la même façon.

 

Même si les opérationnels estiment que leur besoin est celui-ci, la force du RH est de proposer des solutions alternatives pour définir une fonction cohérente dans ses missions, avec les moyens adaptés et les objectifs clairs.

 

Même si les tendances de communication nous poussent à rédiger des annonces courtes à lire et atypiques pour susciter l’intérêt, le/la candidat(e) doit pouvoir avoir accès très tôt dans le processus à une vraie fiche de poste qui détaille correctement l’opportunité, et dans sa globalité.

 

Même si un profil a toutes les compétences requises dans le même environnement, la même fonction, avec un diplôme en cohérence, savoir prendre une autre décision si, l’évaluation psychotechnique révèle qu’un autre profil peut-être moins cœur de cible, a pourtant des soft skills plus adaptées pour s’intégrer dans le poste, l’entreprise, l’équipe, le style de management, etc.

 

Même si l’entreprise a l’habitude de former les gens « sur le tas » ou parce que les cadres « sont censés être autonomes » à leur arrivée, et bien, mener un vrai suivi d’intégration est essentiel pour s’assurer rapidement de la pérennité et des potentialités de la nouvelle collaboration entre l’entreprise et le profil recruté.

 

Nous pensons que l’étude de poste est la pierre angulaire de toute la chaine. L’audit RPS et le DUERP ne sont pas les points de démarrage de la prévention des RPS : il s’agit de l’étude de poste au moment du recrutement et du suivi d’intégration. On peut recruter avec rapidité et souplesse, tout en maintenant un processus méthodologique structuré qui produit des collaborations claires, durables et profitables, en réduisant les risques pour les futurs collaborateurs et l’entreprise qui les accueille.

 

En tout cas, depuis 55 ans, c’est cela notre métier.

 

 

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